Emancipees

Aah, ce jour où la 2e barre apparait sur le test de grossesse, il est complètement dingue non ? 

Et pourtant, c’est aussi le moment où, pour beaucoup, on rentre dans un espèce de tunnel interminable plein de questions, de doutes et d’un peu d’angoisse (si peu!) ! 

Pourtant, je suis convaincue que ce tunnel, on peut le transformer en bulle sereine et confiante, et profiter comme il se doit de ce moment magique qu’est le premier trimestre de grossesse !

Vous le savez peut-être, en 2020 j’ai créé le Fertility Club, un programme pour accompagner les couples en désir de grossesse, et Ô joie immense, ce club a l’air de très bien fonctionner car tous les jours ou presque, je reçois des annonces de grossesse ! 

Et ces femmes tout fraîchement enceintes, qui m’écrivent parfois avant même d’être sorties des toilettes (et souvent aussi avant même de l’avoir annoncé au futur papa !!), je leur parle beaucoup. 

J’ai notamment toutes les membres du Fertility Club au téléphone dès qu’elles apprennent leur grossesse, pour pouvoir les féliciter de vive voix, et les rassurer aussi. 

Et les autres, qui me suivent simplement sur Instagram, j’échange avec elles par message et oh la la, Dieu sait si j’ai besoin de les rassurer également !

Et c’est ça, tout le paradoxe de cette période. 

On l’a souvent attendue des semaines, des mois voire des années, et quand cette barre apparaît enfin sur le test de grossesse, on n’arrive même pas à savourer tellement en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, on entre dans un nouvel espace temps où les minutes semblent durer des années lumière ! 

On ne sait pas si on a le droit de se réjouir ou pas. 

On se sent tellement vulnérable, et on la sent parfois tellement vulnérable, cette grossesse, qu’on voudrait déjà être à la fin pour être sûre que ce bébé, il va bien arriver. 

Enfin, a minima, on voudrait fermer les yeux et se réveiller à la fin du premier trimestre, ce moment fatidique où, enfin, le risque que la grossesse s’arrête diminue drastiquement. 

Et il faut dire qu’on ne nous aide pas, à naviguer tranquillement pendant ces fameuses 12 premières semaines. 

Parce que si tout dans notre corps, dans notre tête et dans notre cœur nous hurle que punaise, on est enceinte, c’est dingo, tout dans la société nous crie presqu’aussi fort qu’on ne l’est pas encore vraiment. 

Ca commence par l’assurance maladie qui n’est pas encore informée de la grossesse et qui ne prend rien en charge. La déclaration de grossesse ne se fait qu’après l’écho du 1er trimestre. 

Avant, d’un point de vue administratif, on n‘est pas enceinte et on n’a aucune protection, ni aucun arrêt ; alors même que parfois, je peux vous dire que la gastro qui vaut un bel arrêt d’une semaine, à côté, c’est une promenade de santé ! 

Ca continue avec l’employeur qui ne sait rien non plus, et à qui on doit cacher tout ce bouleversement qui est en train de se produire, qui met un coup de massue derrière la tête et fait rêver d’une sieste après chaque call. 

Ces nausées qui tordent les boyaux et forcent à aller vomir discrétos aux toilettes entre deux réunions, et surtout ces émotions toutes neuves qui occupent tout l’esprit et la bande passante ! 

Et puis ça atteint son apopgée avec l’entourage le plus proche, à qui il ne faut surtout pas annoncer la grossesse trop tôt, de peur qu’elle ne s’arrête et qu’on doive ensuite faire le SAV pour expliquer le revirement de situation. 

Même ses amies les plus chères, même sa famille, parfois il y a quelques exceptions mais globalement, on se force à attendre le plus possible avant d’annoncer la bonne nouvelle, pour être sûre qu’elle ne devienne pas une mauvaise nouvelle. 

Bref, qui n’a pas vécu un premier trimestre de grossesse ne sait pas vraiment ce que veut dire le mot patience !! 

Et le mot solitude aussi, car c’est le moment de ta vie où il se passe le truc le plus fou que tu n’aies jamais connu, où d’un coup d’un seul, un milliard de questions auxquelles t’aurais jamais imaginer penser se percutent dans ta tête, et c’est aussi le moment où t’as le moins de personnes ressources à qui les poser ! 

Parce que oui, on l’a dit, on ne parle pas de sa grossesse au 1er trimestre, donc ses questions, ses doutes, ses angoisses, on se les garde pour soi ! 

Éventuellement on les pose sur les forums, et là autant dire qu’on a l’impression qu’on va mourir dans d’atroces souffrances après une hémorragie digne d’un film d’horreur. 

Donc ses nausées, on se les gère en solo, sans les tips des copines qui sont passées par là. Ses douleurs au ventre, on sait pas si elles sont parfaitement normales ou si elles doivent nous inquiéter. Idem pour les saignements. 

Ses doutes sur tel ou tel symptôme qui apparait et puis qui, catastrophe, disparaît, on se les ressasse toute seule. 

Ses angoisses pour savoir si on est vraiment prête, si on n’a pas fait une connerie, ou si on va vraiment entendre un coeur lors de l’écho, on les partage juste à son mec, et autant dire que ce n’est souvent pas l’interlocuteur ayant le plus de tact pour répondre ! 

Bref, on avance en solitaire dans un tunnel qui parait long, tellement long, et tellement flou aussi.